Compte tenu des conséquences de l’anthropisation sur les milieux fluviaux, des programmes visant à restaurer leur résilience sont mis en place. Les projets de restauration de cours d’eau se multiplient depuis leur entrée dans les programmes d’action nationaux et à l’échelle des bassins versants. Or, une part de ces projets n’aboutit pas, faute de parvenir à dénouer les controverses sociotechniques qui témoignent des conflits entre les différents usages des cours d’eau. Depuis les années 2000, le Rhône fait l’objet de programmes de restauration d’un fleuve « vif et courant » qui intègrent des objectifs écologiques, économiques et sociaux (Barthélémy & Souchon, 2009). Les actions de restauration réunissent de nombreuses parties prenantes dans les arènes de décision, car elles s’inscrivent (i) dans une multiplicité de territoires et agissent à plusieurs échelles et (ii) dans un effort de conciliation des usages associés au fleuve. Dans un contexte d’injonction participative (Neveu, 2011), la restauration du Rhône va de pair avec la volonté d’entretenir des rapports de collaboration multisectorielle (Guerrin & Barone, 2020) entre des acteurs avec des intérêts variés, parfois contradictoires, pour faire cohabiter différents référentiels du fleuve (Barthélémy, 2006). Les porteurs de projet de restauration ont recours à diverses formes d’actions visant à intégrer l’ensemble des parties prenantes à la décision, au travers de dispositifs de participation citoyenne, de concertation d’acteurs ou de comités de pilotage. Cette communication propose d’explorer l’évolution des modalités de prise de décision depuis le début des programmes de restauration sur le Rhône, au prisme de la manière dont les porteurs de projets appréhendent l’évolution des argumentaires (Bouleau & Hautdidier, 2020), le décloisonnement de l’expertise (Callon & Latour, 1982), et leur regard sur les transformations du paradigme de l’action publique de la logique de « Développement Durable » à celle de « Transition Verte ». Cette problématique est éprouvée par le biais d’une campagne d’entretiens semi-directifs avec des acteurs de la restauration du fleuve en mesure d’en restituer l’histoire. Il s’agit de caractériser les acteurs participant aux décisions et leurs relations, dans une perspective diachronique. Ces discours sont confrontés à des observations effectuées lors d’un atelier avec des porteurs de projets de restauration sur le Rhône, qui les a amenés à entamer une réflexion collective sur la question de la mobilisation des acteurs, au regard de l’évolution de leurs compétences et de l’évolution des paradigmes de l’action publique environnementale. Lors de l’analyse, j’aborde l’uniformisation du discours sur la restauration, travaillé par la notion de success story. La confrontation des discours individuels avec l’histoire des structures dans lesquels évoluent les acteurs permet de comprendre comment les enjeux de la collaboration dans la prise de décision sont portés et perçus.